L’ABYSSIN, de Jean-Christophe Rufin – Éditions Gallimard, 1997.
Les vies de Jean-Christophe Rufin.
Le grand-père de Jean-Christophe Rufin avait soigné des combattants lors de la Première Guerre mondiale, et fut, pendant la Seconde, déporté deux ans à Buchenwald, après avoir caché des résistants dans sa maison de Bourges.
Jean-Christophe a 15 ans, lors de la première transplantation cardiaque réalisée par le professeur Christian Barnard en 1967 ; ce grand nom de la chirurgie décidera de sa vocation. En 1975, reçu au concours d’internat, il choisit la neurologie. Il fera une brillante carrière médicale.
Attiré par la personnalité de Bernard Kouchner, il est l’un des pionniers de Médecins Sans Frontières. Pour MSF, il a dirigé de nombreuses missions en Afrique de l’Est et en Amérique latine. Puis il est nommé directeur médical d’ACF en Éthiopie ; puis vice-président de MSF ; en 1993, son conseil d’administration lui demande de quitter l’association lorsqu’il entre au cabinet de François Léotard, ministre de la Défense. Il devient ensuite administrateur de la Croix-Rouge française. Au Kosovo il est administrateur de l’association Première Urgence, et à l’École de guerre, il dirige le séminaire : ONU et maintien de la paix. En 2006, il quitte ses fonctions afin de se consacrer davantage à l’écriture.
Son œuvre littéraire de romancier est considérable : avec L’Abyssin, il obtient le prix Goncourt du premier roman. Ses autres œuvres sont nombreuses et saluées par un lectorat et une critique enthousiastes : Les Causes perdues ; Rouge Brésil ; Globalia ; La Salamandre ; Le Parfum d’Adam ; Un léopard sur le garrot ; Katiba ; Sept histoires ; Le Grand Cœur ; Immortelle Randonnée ; Le Collier rouge ; Check-point ; Le Tour du monde du roi Zibeline ; Le Suspendu de Conakry ; Les Sept Mariages d’Edgar et Ludmilla, Gallimard ; Les Trois femmes du consul ; Le Flambeur de la Caspienne ; La Princesse au petit moi.
En 2008, Jean-Christophe Rufin est élu au fauteuil 28 de l’Académie Française.
La quatrième de couverture de l’Abyssin.
« Quelque chose, pourtant, lui disait qu’il pouvait réunir l’inconciliable, c’est-à-dire ne renoncer ni au désir qu’il avait de connaître l’Abyssinie et de s’y illustrer, ni à la tentation de conquérir l’inaccessible Alix de Maillet, dont tout en lui proclamait qu’elle n’avait été créée que pour le rencontrer et le rendre heureux.
Voilà, pensa-t-il, c’est exactement cela. Il y a entre elle et moi d’extraordinaires obstacles ; seules d’extraordinaires circonstances peuvent les surmonter. Si j’étais resté au Caire, je ne l’aurais jamais vue, jamais approchée et rien n’aurait été possible. Mais la mission qui m’est confiée, en me faisant affronter de grands périls, peut m’assurer en retour un grand triomphe. Je vais en Abyssinie, je guéris le Négus, je reviens avec l’ambassade qu’on me demande, je l’accompagne à Versailles. Louis XIV me fait noble et le consul ne peut plus me refuser sa fille.
Il avait cru d’abord, sans enthousiasme, que sa mission servait seulement les desseins du Roi de France et du Pape. Maintenant, il réalisait qu’elle pouvait être aussi l’instrument de son bonheur. La chose devenait autrement sérieuse…»
Extrait de la page 17…
Un bon marcheur pouvait, à cette époque, faire le tour du Caire en trois heures. Ce n’était encore qu’une petite ville ; les étrangers s’accordaient à la juger laide, vétuste et sans charme. De loin, l’entrelacs de ses fins minarets avec le panache des hauts palmiers qui dépassaient les jardins lui donnait un semblant de caractère. Mais sitôt qu’on entrait dans ses rues étroites, la vue était arrêtée par des maisons à étages construites sans autres ornements que des moucharabiehs de cèdre qui surplombaient dangereusement les passants. Le palais des Beys, la citadelle elle-même où vivait le Pacha et qui ouvrait d’un côté sur la place Roumeilleh, les nombreuses mosquées disparaissaient dans la confusion de l’ensemble. Cette ville sans espace et sans perspective, privée d’air et de lumière, repoussait la beauté, le bonheur et les passions derrière des murailles aveugles et des grilles obscures (…).
Dans cette Abyssinie (Al-Habash), région de la Corne de l’Afrique, située aujourd’hui dans le Nord de l’Éthiopie, l’Est du Soudan et le Sud de l’Érythrée, l’auteur nous fait vivre, à travers des paysages à couper le souffle, des moments inoubliables. Guérisseur du Négus, Jean-Baptiste Poncet, sera fait ambassadeur de Louis XIV. En fond de tableau, une belle histoire d’amour, se trame au-delà des desseins du Roi et du Pape. Un livre à lire et à relire.
MF